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Monday, February 2, 2015

Darkest Dungeon : D&D rencontre Chtulhu


Notre dernière torche était en train de s'éteindre. La vestale est tombé sur un piège, et tout ce que le chasseur de prime a trouvé à faire est de lui dire qu'elle l'avait surement fait exprès pour nous ralentir. Autant dire que le moral du groupe n'était pas au beau fixe. C'est là qu'on s'est retrouvé nez à nez avec une bande de morts vivants. Ca a été trop pour le Croisé, qui est devenu complètement paranoïaque, il refusait même qu'on l'aide ! Bref, ça a commencé à mal tourner, en fait les autres y sont tous restés mais moi, j'ai eu du bol et j'ai réussi à sauver ma peau. Bon, le moral c'est pas trop ça donc je vais aller faire un tour au bar, je vais dépenser l'or que j'ai trouvé en déterrant un cercueil...


Picoler résout les problèmes dans Darkest Dungeon

La rencontre improbable de l'horreur à la Cthulhu et du dungeon crawl a engendré "Darkest Dungeon", un jeu indépendant où le joueur envoie son groupe d'aventuriers explorer un donjon peuplé de créatures horrifiantes pour tenter d'en ramener richesses et reliques du passé...

Le Dungeon Crawl est un style classique et plutôt ancien (Dungeon Master pour ne citer que lui date de 1988). S'inspirant directement du vénérable Donjons & Dragons, un groupe de quelques aventuriers explore un endroit souterrain, le "Donjon" (Dungeon = cachot en anglais) et y affronte des monstres. Leur récompense, s'ils sont à la hauteur de la tâche, la richesse, mais aussi la perspective de progresser dans leur carrière héroïque (plus tout autre objectif que fixe la trame du jeu). Ce style de jeu a connu un revival assez important ces dernières années après une bonne décennie de vache maigres : Legend of Grimrock 1 & 2, Might & Magic X, etc.

L'horreur à la Cthulhu  est un style plus difficile à cerner. Création de l'auteur H.P. Lovecraft, Cthulhu est devenu le symbole de son oeuvre. Si à la base il s'agit d'un gigantesque monstre humanoïde à tête de pieuvre, c'est aussi devenu le symbole d'un univers imaginaire où il existe des secrets occultes qui détruisent la santé mentale de ceux qui osent les découvrir. L'aliénation et l'occultisme sont les deux pierres angulaires du style (les tentacules en étant la troisième pierre...)

Tentacule !

Le principe de Darkest Dungeon est donc simple : non seulement le jeu offre un dungeon Crawl assez classique où les aventuriers explorent un "donjon" en quête de richesses, mais les auteurs du jeu ont ajouté une composante "Chtulhesque" à leur jeu. Cette composante se fait tout d'abord sentir par l'aspect très sombre du jeu. La palette de couleur du jeu par exemple est assez sombre, sans couleurs vives, ensuite le style général du dessin, enfin l'écriture. Les personnages, aventuriers et monstres, eux aussi sont teinté de cette ambiance. Là où d'habitude on a des héros héroïques et bien propres sur eux, dans Darkest Dungeon, les "classes" sont décalées : bandit de grand chemin, lépreux, pilleur de tombe, chasseur de prime...

Le but n'est pas de faire peur au joueur mais plutôt d'instiller une ambiance distillant l'humour noir et la tension, avec le côté un peu décalé de certaines situations.

Le côté Cthulesque ajoute aussi des composantes techniques qui semblent spécifiques à ce jeu. Tout d'abord, un héro peut classiquement périr au combat lorsque son total de points de vie tombe à zéro, tout cela avec en plus une mécanique plutôt bien pensée où ce n'est pas automatique. Mais en plus de devoir gérer la santé de ses personnages, le joueur devra aussi se préoccupper de la santé mentale des héros. Une jauge de stress, allant de 0 à 100, indique l'état d'esprit du héro. Une fois arrivée à 100, la santé mentale du héro est testée. Il y a alors de grandes chances qu'il soit affligé d'une affliction : paranoïa, masochisme, désespoir... Ces afflictions ont généralement deux conséquences : tout d'abord le héro en question sort de temps en temps un commentaire mal placé lorsqu'un de ses compagnons agit : par exemple, s'il rate son attaque, le paranoïaque va lui demander s'il ne l'aurait pas fait exprès, ce qui augmente le niveau de stress du groupe. Ensuite, il peut y avoir une conséquence beaucoup plus handicapante où le héro affligé agit automatiquement d'une certaine manière, ou refuse les soins par exemple. Il arrive aussi que rarement le héro dont la santé mentale est testée résiste, et développe un comportement héroïque, qui non seulement l'aide pour le reste du donjon, mais diminue le niveau de stress du reste du groupe et le sien de façon dramatique.

Il y a de nombreux facteurs qui tournent autour du stress. Par exemple, le niveau d'éclairage du groupe dans le donjon est représentée par une torche plus ou moins éclairée (sur une échelle de 1 à 100). Chaque niveau d'éclairage apporte son lot de bonus et de malus. Lorsqu'il y a beaucoup de lumière, les chances de surprendre les ennemis sont plus importantes, mais lorsque la lumière est au plus bas, il y a plus de trésors par exemple. Moins il y a de lumière et plus les dégâts de stress sont importants. Des traits particuliers à chaque personnage peuvent aussi influencer le stress reçu en fonction de la situation. Un personnage pourrait avoir une phobie des animaux, et donc recevoir plus de dégâts de stress venant de ce type de créatures. J'ajouterais que le simple fait d'arpenter les couloirs du donjon augmente lentement le niveau de stress des héros !
Il y a des ennemis qui ne font pas beaucoup de dégâts mais causent beaucoup de stress, comme cette cultiste.

Certains donjons sont plus long et permettent de camper une ou plusieurs fois. Il faut alors emporter plus de rations, plus de torches, et mettent la résilience des héros à rude épreuve. Les récompenses sont bien entendu d'autant plus importantes. L'avantage de pouvoir camper, c'est que les héros peuvent utiliser d'autres compétences, qui sont spécifiques de cette phase du jeu. Ces compétences permettent de faire baisser le niveau de stress de certains héros, de les soigner, ou encore de se buffer. L'idéal est donc de camper juste avant d'entrer dans la salle du boss par exemple, pour être au maximum de ses capacités tout en ayant profité de certains buffs qui ne sont pas accessibles dans les donjons plus courts. Dans la théorie, c'est ça en tout cas...

Le joueur doit donc non seulement garder ses héros en vie mais doit aussi gérer en permanence le niveau de stress de son groupe, et parfois il est préférable d'abandonner le donjon en cours pour rentrer au village, soit parce que le stress est devenu trop important, soit parce que la vie des héros est menacée directement.

Le village, charmant non ?


Le village est la partie gestion du jeu, même si elle est assez réduite. Il comporte une dizaine de bâtiments, qu'il faut améliorer avec des ressources spécifiques que l'on trouve dans les donjons. Ces améliorations sont au début assez abordables, mais le coût augmente rapidement, et les améliorations les plus utiles sont vraiment trop chère pour être achetées avant quelques descentes dans les donjons. Par exemple une deuxième place à l'Asile est un plus non négligeable, mais coûte horriblement cher. Pour décrire rapidement les effets des bâtiments, on peut les partager en 4 grandes catégories : deux qui servent à diminuer le stress (chapelle et bar), ensuite quatre bâtiments qui servent à améliorer ses héros (Asile, Forge, Académie et Hutte du survivaliste), et enfin, les derniers bâtiments qui ne rentrent dans aucune catégorie. Ici on peut soit recruter de nouveaux héros (chariot), ou encore acheter des objets, enfin, il y a le cimetière avec la liste des héros morts. C'est aussi au village que l'on décide du prochain donjon et que l'on planifie l'équipe et l'équipement pour en venir à bout.

Les héros sont caractérisés par une classe, qui encadre de façon très précise les compétences auxquelles ils ont accès. Lorsqu'un nouveau héro arrive, il est niveau 0 et possède un lot de quatre compétences aléatoirement choisies parmi les huit possibles pour sa classe. Il est rapidement possible de lui acheter les compétences manquantes, mais au cours d'un combat il n'est pas possible d'utiliser plus de quatre compétences, ni d'en changer (par contre il est possible d'en changer entre les combats). Le choix des compétences est donc crucial. Cela va de l'attaque basique jusqu'aux sorts de soins en passant par les buffs et debuffs divers. Une part assez importante est réservée aux attaques permettant de repositionner soit le héro, soit les ennemis affectés. Quelques très rares compétences permettent de diminuer le stress. Pour l'instant, une dizaine de classes sont disponibles, et le nombre devrait monter à quatorze ou quinze. En changeant la combinaison de compétences il est possible de créer des équipes assez diverses. Par exemple, une combinaison que j'utilise en ce moemnt est : démoniste à l'arrière pour soigner et débuffer, vestale en troisième position, pour soigner et assommer, le chasseur de prime pour taper et encaisser, et enfin le croisé pour encaisser et taper (notez la subtilité!). Comme en sortant d'un donjon, les héros doivent parfois aller décompresser au bar (ou à la chapelle), un héro d'une classe précise n'est pas toujours disponible, et à moins d'avoir une sélection assez importante des même classes, il faudra souvent jongler avec plusieurs classes différentes et se composer avec des compétences différentes, en essayant d'en tirer le meilleur.

Après avoir terminé un certain nombre de donjon, le héro gagne de l'expérience, qui lui fera prendre des niveaux. Ces niveaux lui apportent des traits, qui peuvent être positifs ou négatifs (ces derniers peuvent être éliminés à l'Asile). Au dessus d'un certain niveau, un héro refusera de prendre part à une quête trop facile, ce qui contribue à maintenir un certain challenge. On se retrouve d'ailleurs souvent à faire des quêtes niveau 1 avec des nouveaux arrivants pendant que les vétérans récupèrent de leur dernière descente dans le donjon de niveau 3 qui les a bien laminé...

Une quête terminée, de nouveaux traits, pas tous positifs...


Car oui, le nerf de la guerre est l'argent (l'or plutôt). Soigner un héro coûte de l'argent, lui acheter de nouvelles compétences, les améliorer ou améliorer son équipement coûte cher. Le plus cher étant les accessoires (trinkets) qui apportent des bonus et malus puissants qu'il faudra savoir équilibrer. Le simple fait de partir en quête dans un donjon coûte de l'argent pour acheter assez de torches, de rations et d'autres objets utilitaires potentiellement utile. On se retrouve souvent à dépenser nos dernières pièces d'or à jongler entre savoir s'il est plus utile de prendre la pelle ou plus de torches... Comme les donjons sont aléatoirement générés, parfois, l'objet de notre quête est accessible rapidement (il m'est arrivé de commencer à côté de la salle du boss à tuer) mais parfois il faudra parcourir l'ensemble du donjon, y compris en revenant sur ses pas, ce qui consomme des torches... Les conséquences de devoir se promener sans lumière, ou de manquer de nourriture, sont assez importantes pour que cela aie un vrai impact. Il est préférable d'emmener trop de choses que de manquer au mauvais moment dans ce jeu. En effet, suivant l'esprit "rogue" qui est à la mode, "it's fun to loose !", le challenge est assez important, et le jeu ne pardonne pas les erreurs. Il y a un côté aléatoire assez prononcé : en effet la plupart des donjons comportent des choses avec lesquelles on peut interagir : coffre, mais aussi sarcophage, cadavre ou autel païen. Le fait d'agir dessus peut avoir des conséquences positives ou négatives assez importante. Ce côté aléatoire se retrouve aussi dans les combats, où les critiques sont dévastateurs, dans un sens comme dans l'autre. Sachant qu'un héro moyen commence avec entre 20 et 30 points de vie, il n'est pas rare de voir dès le début des critiques à plus de 20 et même jusqu'à 40 points de dégâts. Lorsque c'est le héro qui terrasse le monstre, c'est agréable, mais lorsque c'est son meilleur combattant qui se retrouve soudain à l'article de la mort, la tension est tout de suite palpable.

Mon Hellion (sorte de barbare) était déchainée et enchainait les critiques ! L'inverse peut aussi arriver et c'est tout de suite moins agréable...


La partie de l''esprit rogue que l'on retrouve dans ce jeu, c'est qu'il s'agit avant tout d'un exercice de gestion des risques. Il est très tentant de vouloir continuer, explorer juste encore un petit peu, allez ouvrir ce dernier coffre dans la salle suivante... mais il devient rapidement évident que dans ce jeu, la prise de risque est presque constante : chaque combat peut mal tourner au hasard d'un coup critique, ou si le groupe se fait surprendre avec la mauvaise combinaison d'ennemis. Il est parfois préférable de sortir du donjon ou de fuir le combat pour que les héros (ou une partie d'entres eux) puissent survivre et revenir plus tard. Leur mort étant définitive, un héro qui a déjà bien progressé est d'autant plus précieux, sans compter tout l'or investit dans ses compétences, son équipement ou juste pour le maintenir à un niveau de stress normal et sans trop de traits négatifs handicapants.




Les ennemis sont aussi variés que les héros, bien qu'ils ne possèdent et n'utilisent généralement que deux ou trois attaques chacun. Chaque ennemi possède lui aussi un positionnement préféré, et c'est une technique utile de pouvoir déplacer le lanceur de sort qui était bien planqué derrière pour le ramener en premier rang. Ainsi, il sera bien moins dangereux avec sa petite dague et à portée des coups d'épée du Croisé ! De la même manière le guerrier squelette avec son bouclier est une ennemi fort résistant. Une fois repoussé au dernier rang, il sera contraint de passer son tour, devenant inoffensif. Certains ennemis ont bien entendu des compétences qui leur permettent de se repositionner tout en délivrant des attaques. D'autres utilisent la même tactique et tentent de repositionner les héros, ce qui peut rapidement être dramatique lorsque la Vestale se retrouve en premier rang, incapable de soigner.

Les hommes champignons sont très affectueux, la preuve ils essayent de faire un gros calin à mon highwayman

Tout le jeu est commenté par un narrateur qui est présenté dans la séquence d'introduction. Il y va toujours de son petit commentaire bien placé, en relation avec ce qu'il se passe dans le jeu, ce qui ajoute à l'ambiance (bon au bout de 10 heures de jeu cela devient un peu répétitif mais c'est normal). Un coup critique bien placé et il raconte que l'espoir est comme une flamme qui se rallume. Au contraire, lorsque la situation devient difficile, il en rajoute une couche. La musique est adaptée à l'ambiance et plutôt agréable. Les bruitages et les animations sont bien adaptées au format. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit du projet d'une petite équipe, et donc que leur budget devait être limité. Pour ma part je trouve la dynamique générale du jeu bien rendu et efficace au vue des moyens employés. Les sprites sont plutôt statiques et ce sont des changements de postures et de coloration qui font office d'animation. Il en résultat quelque chose d'assez minimaliste qui n'est pas pour me déplaire.

Du côté des défauts, il est difficile de s'exprimer sachant que le jeu est en early access, et que beaucoup de choses vont encore probablement changer. Par exemple, l'un des reproches qui est fait actuellement c'est qu'il est possible d'exploiter la mécanique des compétences pour assommer. Une fois qu'il ne reste qu'un seul ennemi, il est possible de l’assommer en boucle pendant que le reste de l'équipe se soigne ou même fait baisser le stress. Il semblerait que le problème soit connu des développeur donc la situation ne devrait pas rester en l'état car elle ne colle pas avec l'état d'esprit du jeu. Un autre point qui pourrait rebuter certains joueur c'est le graphisme assez particulier, ou encore la difficulté. Pour ma part je considère qu'il s'agit plus d'un problème de style que d'un défaut du jeu lui même. Le dernier défaut, qui est peut être le plus important à régler, c'est l'équilibre dans les compétences et les classes, et les accessoires ("trinkets"). Ces derniers semblent globalement plutôt mauvais, dans le sens où comme ils associent presque toujours un bonus et un malus, beaucoup de joueurs semblent choisir de les ignorer complètement. On se retrouve rapidement avec un liste importante de ces accessoires inutiles que l'on ne peut même pas revendre... Mais comme dit cela peut encore évoluer et surtout ça n'empêche pas de profiter du jeu, certaines options sont juste moins optimales que d'autres.

Le seul gros problème étant peut être qu'il n'est pas réellement possible de perdre la partie. Les monstres ne sortent jamais pour raser le village, et s'il est possible de ne plus avoir de héro ni d'or, il est toujours possible de recruter de nouveaux héros pour les envoyer au casse pipe sans torche ni ration dans l'espoir de récupérer assez d'or pour faire repartir la machine. Il n'y a donc pas de méta jeu, comme à xcom, où les méchants peuvent gagner en venant envahir la base de xcom ou en corrompant assez de nations.

Pour conclure, Darkest Dungeon est pour moi une excellente surprise. Les mécaniques de jeu sont bien maitrisées et promettent de nombreuses heures à explorer les endroits les plus sombres...

Darkest Dungeon sera accessible dès le 3 février sur steam

Le cimetière n'a pas fini de se remplir...